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vendredi 8 mai 2020, par Gilles Chevriau

Edmond Jouve : Le gaullisme est une doctrine

A l’issue du conseil des ministres du 26 avril dernier, le président de la République française déclarait : " Le gaullisme n’est pas une doctrine, mais une attitude. " Une telle assertion a de quoi surprendre. Elle va à contre-courant d’une idée généralement admise. En ce sens, elle a des relents hérétiques. Elle a aussi des racines profondes.

Trois arguments de texte permettent de l’affirmer :

• Le général de Gaulle lui-même n’a voulu, à ce sujet, laisser planer aucun doute. Le 2 octobre 1949, à Versailles, à la suite d’une réunion du R.P.F., il assure : " Les travaux du Conseil ont contribué à préciser notre doctrine. " Plus tard, le 6 juillet, il revient sur cette idée : " Notre doctrine, qui se confond avec l’intérêt élémentaire de la France, s’appelle dans tous les domaines, politique, social et international, l’association du peuple à son destin. "

• Les gaullistes - et parmi eux les plus intransigeants - n’ont pas manqué d’emboîter le pas de leur chef. Ainsi Michel Debré signe, dans l’Express du 4 décembre 1954, un article remarqué sur " La doctrine gaulliste dans la vie nationale ". Plus tard, à Asnières. le 19 mai 1963, devant le conseil national de m’U.N.R.-U.O.T., il emploie de nouveau cette formule. Comme Edmond Michelet (le Gaullisme, passionnante aventure, Fayard 1962, p. 8). Comme Edgar Faure (préface à l’Année politique 1962, PUF, 1963, p. 7). Comme Jacques Soustelle (l’Espérance trahie. Editions de l’Aima, 1962).

• Les exégètes de la pensée gaulliste abondent dans le même sens. A. G. Robinson a consacré un ouvrage à la Doctrine du général de Gaulle (A. Fayard, 1959). Antoine Azar (Genèse de la Constitution du 4 octobre 1958, L.G.D.J., 1951, p, 11) et Alexandre Marc d’Europe dans le monde, Payot, 1965, pp. 98 et 105) ont, à leur tour, utilisé cette expression. Marcel Prélot, dans la troisième édition de son précis d’Histoire des idées politiques (Dalloz, 1966), évoque le gaullisme " en tant que doctrine ".

Les propos de M. Georges Pompidou méritaient donc d’être relevés. Ils prennent le contre-pied d’avis autorisés et convergents. Ils s’inscrivent en faux contre l’orthodoxie gaulliste, Ils permettent d’accréditer l’idée d’une hérésie pompidolienne....Le Monde

Doctrine ou attitude ?
Par MADELEINE GRAWITZ

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" POUR son fondateur, le gaullisme était une doctrine ", tel est le titre d’un " point de vue " publié dans le Monde du 9 mai Point de vue qui mérite d’être nuancé, sinon partiellement rectifié, surtout si l’on en déduit que M. Pompidou, en qualifiant le gaullisme d’attitude, se rendait coupable d’hérésie.

Théorie, doctrine, idéologie, conception, le vocabulaire politique est ambigu. E. Jouve, auteur de l’article, se réfère à la définition peu satisfaisante du dictionnaire de Lalande. Doctrine : " corps de vérités organisées, solidaires et même le plus souvent liées à l’action ".

L’empirisme du général de Gaulle, les lacunes de son champ de réflexion, la conjonction chez lui du " planifié " et de l’" imprévu ", inspirant un " programme ", comme le note finement E. Faure (Préface à l’année politique, 1962), paraissent peu conciliables avec la rigidité d’une véritable doctrine. Le général lui-même ne se réfère jamais à la doctrine de De Gaulle. Si, s’adressant à ses compagnons, il évoque " notre doctrine ", il semble que ce soit de l’action menée avec les gaullistes qu’il s’agit.

Le terme de conception gaulliste paraîtrait plus exact. Mais laissons aux exégètes cette querelle de terminologie. Sans pouvoir distinguer la part s’adressant à l’homme de celle qui revenait aux idées, admettons qu’un petit nombre de gaullistes ont cru et croient encore en une doctrine et y puisent leur inspiration.

Un fait doit cependant être souligné : l’origine du mot doctrine (docere) implique une idée d’enseignement. Une doctrine politique, pour ajouter un isme au nom de son fondateur, doit aussi rassembler des hommes.

Le cercle restreint des " compagnons " a-t-il convaincu de nombreux adeptes ? Les gaullistes, au pouvoir pendant plus de dix ans, ont-ils propagé une doctrine, fait partager leurs conceptions, vécu dans une communauté d’idées inspirant les mêmes objectifs politiques ?

En 1967, déjà préoccupée par ces questions, j’ai, avec mes étudiants, effectué une enquête (1) auprès des candidats aux élections législatives dans cinq départements (Rhône, Loire, Côte-d’Or, Isère, Drôme). L’échantillon (soixante-dix-huit candidats comprenant dix-neuf U.D. Ve) n’est évidemment pas représentatif. Cependant les résultats sont si nets qu’ils peuvent être repris aujourd’hui, au moins à titre indicatif. La plupart des candidats U.D. Ve se recrutent parmi les cadres supérieurs et les professions libérales, mais cette similitude d’origine sociale ne suffit pas à unifier leurs opinions.

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